Au cœur de la ville de Limbé dans la région du Sud-Ouest au Cameroun, il est difficile de rater le panneau publicitaire qui indique le siège social de « solarcity cameroon » sur la Data building à Half Mile. C’est cette entreprise que Cynthia ACHA a mis sur pied en 2021 suite à une discrimination liée au genre dans le milieu professionnel.

En effet, c’est dans la ville où elle est née et a grandi que la jeune femme stoïque a décidé d’installer cette entreprise qui offre des solutions d’installation et de maintenance d’énergie solaire aux populations. Sa cible principale est la classe moyenne qui ne peut pas s’offrir un groupe électrogène souffre énormément des coupures d’électricité intempestives que connaissent les populations de cette région.

Depuis que Cynthia a découvert son amour pour la physique au lycée, elle a su qu’elle deviendrait ingénieure. « Je n’ai pas vraiment rêvé d’être ingénieure électrique, mais j’ai toujours su que je voudrais voir ‘’ingénieure’’ gravé sur ma pierre tombale », confie Cynthia. Après l’obtention de son A level (baccalauréat) en 2015, elle poursuit des études en physique appliquée et informatique et obtient une licence en 2018. Son rêve commence à se réaliser lorsqu’elle obtient un master en génie électrique et informatique industrielle en Août 2020. En Novembre de la même année Cynthia obtient son premier emploi  en tant qu’ingénieure de la conception du système électrique d’une start- up de la ville de Limbe.

Le déclic 

L’ambition de Cynthia l’incite à postuler dans une plus grande entreprise. Elle postule donc dans une structure spécialisée dans le traitement  des cancers. Au départ, ils sont trois retenus pour les entretiens en vue d’obtenir le poste. L’entretien se déroule en trois étapes. Cynthia brille par sa compétence et obtient verbalement le poste au bout de la dernière étape qui consistait à convaincre les ingénieurs qui fabriquent ladite machine en Turquie. « Celui qui obtenait le poste devait suivre des formations dans plusieurs pays en Afrique avant de commencer le travail. J’étais toute excitée et fière de moi pour avoir été retenue pour ce boulot ``, explique-t-elle. Cynthia est loin d’imaginer le scénario qui suivra. « J’ai attendu un mois et demi que l’on m’appelle pour la signature du contrat. Le directeur m’avouera finalement que durant tout ce temps il essayait en vain de convaincre ses associées qui n’étaient pas prêts à miser leur argent sur une femme et donc je n’ai plus le poste car il n’y est pas parvenu », se souvient-elle encore attristée par une telle injustice. « C’était un grand choc pour moi car je ne savais pas que de nos jours, il y a encore des individus qui pensent ainsi. Encore moins qu’ils n’éprouvent aucune gêne à exprimer leur misogynie ouvertement », poursuit-elle. 

Avant cet incident, Cynthia nourrissait déjà l’idée de son entreprise. Au lieu de se morfondre, elle décide de lancer son activité sans perdre de temps. Cette idée novatrice tombe à point nommé car il n’existe aucune entreprise qui offre les mêmes services dans la région du Sud-ouest. Sa famille qui fait confiance à son projet réunit  les 2.800 000 Francs CFA de capital dont elle a besoin pour commencer. La benjamine de la fratrie de 6 devient donc à 25 ans, une pionnière de son domaine dans cette région du Cameroun. 

Etant la seule à offrir certaines prestations liées à l’utilisation de l’énergie solaire, l’entreprise connaît un franc succès dès ses premiers mois. Cynthia rencontre néanmoins quelques difficultés. « Les populations ignoraient encore ce que c’est que l’énergie solaire et comment cela fonctionne. Nous avons par conséquent passé plusieurs mois à les sensibiliser au lieu de leur vendre nos solutions », renseigne-t-elle. Une autre épine dans les chaussures de cynthia est une fois de plus lié au fait  qu’elle est une femme. Mais cela ne l’empêche pas d’avancer car ayant toujours été l’une des rares femmes dans son milieu académique et professionnel, elle est habituée aux remarques acerbes.  « Lorsque les clients arrivent à l’entreprise et demandent à voir le responsable, et que mes collaborateurs répondent qu’il s’agit d’une femme, ils perdent confiance avant de franchir le seuil de mon bureau. Ce n’est qu’après avoir discuté avec moi par ‘’que faire’’ qu’ils se rendent compte que mon genre ne déduit rien à mes compétences. A la fin ils sont même très heureux de pouvoir travailler avec la fille qu’ils prennent souvent pour la réceptionniste au téléphone juste pour avoir écouté une voix féminine », raconte Cynthia, amusée. 

Ces actes n’ont jamais ébranlée cette femme résiliente dont l’un des objectifs majeurs est d’offrir aux jeunes femmes ingénieures électriques comme elle, la chance qui lui a été refusée d’exercer son savoir-faire et de s’épanouir professionnellement.